Abstract Achitecture #62
« Bien qu’une œuvre architecturale soit toujours liée à une situation spécifique, elle doit également transcender cette situation et la faire apparaître comme faisant partie d’une totalité englobante et signifiante. » (Christian Norberg Schulz)
Toute tâche architecturale commence par l’analyse du site et des conditions d’implantation, de l’orientation, de la topographie, de la question des rapports visuels ainsi que des éléments paysagers existants et des formes spatiales construites. Ce dernier numéro d’ABSTRACT Architecture insiste sur le générateur d’impulsions qu’est le contexte, qui reste un élément déterminant dans une conception globale qui enrichit l’aspect structurel, le rend attrayant pour les utilisateurs et crée une identité particulière pour le lieu.
Mais existe-il un modèle unique répondant à un contexte unique ou existe-t-il au contraire des modèles universels et transposables sur une trame sans limite ?
L’architecture sans contexte global de la ville et du paysage reste un artefact autiste. La production architecturale contemporaine considérée globalement comme une « modernité » est souvent stéréotypée, transportable, falsifiable, et parfois banalisée. Pourtant la valeur ajoutée de l’architecture se détermine aussi bien par des éléments matériels qu’immatériels. Chaque projet doit être une réponse unique à un endroit unique.
« Fuck the context ! » (Rem Koolhaas)
L’architecture est un acte politique situé et complexe. A partir de ses recherches menées dans Delirious New York (1978), Rem Koolhaas énonce les cinq axiomes de la « théorie du Bigness », dans son manifeste Bigness ou le problème de la grande dimension (1995). Il écrit qu’au-delà d’une certaine taille, un grand bâtiment n’est plus en rapport avec le contexte dans lequel il est situé, au mieux il coexiste avec lui. En réalité, il crée son propre contexte intérieur. Ainsi le refus du contexte, exprimé de différentes façons par les architectures autoréférentielles, est encore une contextualisation.
Kenneth Frampton défend l’idée que l’architecture ne peut rester critique que si elle adopte une « stratégie de résistance » en prenant ses distances à la fois vis-à-vis de « l’esprit des lumières et à son mythe du Progrès » et de « tout désir irréaliste et réactionnaire de revenir à des formes architectoniques de l’ère préindustrielle ». En cultivant cette résistance, une identité culturelle peut être préservée en utilisant des éléments empruntés indirectement aux particularités propre à chaque contexte.
En fin de compte, l’expression architecturale fait appel à deux compétences clairement différentiables : un intérêt collectif, qui suit donc une logique collective, et l’intérêt particulier, qui suit une logique individuelle. C’est dans la mesure où ces deux logiques s’appliquent simultanément que la signification architecturale prend tout son sens. L’architecture se loge quelque part entre les idéaux de ceux qui l’ont imaginée, de ceux qui l’habitent et de ceux qui l’explorent.
Nicolas Houyoux
Rédacteur en Chef